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Par SPRA — Dernière modification 02/06/2017 13:27:04
Vincent Bolloré président de Vivendi a racheté Havas à son fils Yannick Bolloré. Ainsi la maison mère de Canal Plus et Universal Musique rachète-t-elle le sixième groupe de communication mondial (BETC, Havas Paris, Arnold, Havas Media, Fullsix, les Gaulois…). L’opération porte sur 60 % du capital de Havas : 2,3 milliards d’euros. Et des rumeurs préviennent que les 40% restant pourraient être acquis avant la fin de l’année. Ainsi le fils épouse-t-il le père, et les voici sous un même toit : l’un des plus grands producteurs de contenus du monde et l’une des plus grandes agences de publicité de ce même monde.
Il y a pourtant un endroit, si ce n’est des dizaines, où le bas blesse, et même si le mariage est déclaré il n’est pas encore conclu, car les autorités de la concurrence peuvent rompre ce qui n’a pas encore été consommé. Il leur faudra notamment s’assurer que la collusion entre les deux entreprises ne va pas créer des distorsions de concurrence. Car en effet, de nombreux producteurs de contenus concurrents de Vivendi sont des clients d’Havas, et Vivendi de son côté n’est pas exclusivement un client d’Havas. Ainsi les concurrents d’Havas risquent de perdre de nombreuses parts de marché, et les concurrents de Vivendi risquent d’obtenir des conditions tarifaires moins avantageuses que celles qui seront pratiquées par l’entreprise du fils à celle de son père.
Evidemment, les Bolloré nous promettent que les activités, dont ils reconnaissent qu’elles sont par nature inconciliables, resteront séparées. Jamais une entreprise ne communiquera concernant sa stratégie avec l’autre. Jamais il n’y aura de préférence dans l’un ou dans l’autre sens. C’est quand même touchant de voir le père et le fils nous expliquer qu’ils ne parleront jamais de travail autour de l’arbre de Noël et nous jurer que si l’un d’eux demande à l’autre de lui passer le sel, ce dernier fera comme s’il n’avait rien entendu. Bah voyons… Qui peut croire qu’il n’y aura pas collusion ?
Une autre menace est la même qu’avec tous les publicitaires qui un jour où l’autre décident de créer eux-mêmes leurs contenus. C’est dans ce sens il me semble que l’opération est la plus gênante : Havas créera du contenu, et notamment le fameux format publicitaire dit « natif », c’est-à-dire des publicités qui ont l’air d’être des contenus produits de façon indépendantes. Une espèce de révision de ce qu’on appelait autrefois le « publirédactionnel ». Ainsi il ne faudra pas s’étonner si sur Canal Plus en clair nous avons des documentaires réalisés à propos de telle ou telle marque client d’Havas, et que cette marque est, par-dessus le marché, une filiale de Bolloré. On le voit : le capitalisme international sans frein crée de nouveaux états dans l’état, et de nouvelles fédérations dans nos confédérations politiquement empêtrées. Ils s’appellent Google, Apple, Amazon et Bolloré. Evidemment, ils optimisent leur fiscalité, et c’est rare en définitive qu’ils payent leurs impôts. Leurs présidents gouvernent bien plus qu’un ou deux septennats, et nous n’avons aucun pouvoir pour les nommer et les destituer, alors même que leurs décisions ont un impact quasi-immédiat sur nos vies.
Enfin, comme l’a rappelé le quotidien Libération, la particularité de cette opération réside dans le fait que « Vincent Bolloré est à la fois l’acheteur et le vendeur. Par l’intermédiaire de son groupe personnel, le milliardaire est en effet l’actionnaire de référence de Vivendi (20,6 % du capital et 29,8 % des droits de vote), dont il préside le conseil d’administration, et l’actionnaire majoritaire de Havas (59,7 % du capital et 69,4 % des droits de vote), dirigé par son fils Yannick, 37 ans. Forcément, au moment de négocier le prix, cela aide… ».
Guillaume Sire