LA DYNASTIE DES CARLIER, UN SIECLE D'ARCHITECTURE EN LANGUEDOC-ROUSSILLON

Par Bruno Deschamps — Dernière modification 14/10/2016 15:46:19

Léopold, Louis et René Carlier, trois architectes, père, fils et petits fils qui sont entrés dans l'histoire en 1870 et qui l'ont construites jusqu'en 1970. Trois créateurs dont les édifices emblématiques ont marqué et marquent encore les principales villes du Languedoc-Roussillon comme Montpellier, Béziers, Sète, Perpignan, Narbonne, Lamalou-les-Bains, Palavas-les-Flots... ainsi que de nombreuses communes rurales. Architectes mais aussi urbanistes, ils exercent leurs talents en traçant sur le papier les villes du siècle à venir, imaginant leurs nouveaux contours et les dotant de bâtiments, aujourd'hui encore, reconnus.


      

L'histoire des Carlier c'est un peu celle de cette région

Léopold et Louis exercent pendant une période de croissance et comprennent vite les enjeux du XXème siècle naissant. René interviendra dans une époque plus difficile mais il saura s'adapter à une clientèle plus complexe, souvent privée mais soucieuse de qualité. Le répertoire cumulé de leurs agences contient plus de 1400 dossiers. L'histoire des Carlier c'est aussi un peu celle de cette région. Une histoire où la viticulture était reine permettant la constitution de fortunes considérables, une histoire marquée par deux guerres et où, avec l'industrialisation, nait la modernité. Parler de ces hommes, c'est prendre la route, parcourir les ruelles des cœurs de ville, traverser les faubourgs, sillonner l'arrière pays entre vignes et garrigues, rejoindre l'Atlantique ou entendre la sirène des bateaux en partance pour l'Algérie ou le Maroc. C'est retracer l'itinéraire d'hommes et de femmes, initiateur de progrès, qui ont modelé cette région comme le sénateur Pams dans les Pyrénées Orientales ou les maires successifs de Montpellier, de Béziers, de Sète, de Narbonne, comme des patrons de l'industrie ou du commerce tel que les frères Bühler, créateur du square Planchon ou du Jardin des Poètes à Béziers, le montpelliérain Rodolphe Faulquier ou la famille Coste Faulchet. Mais c'est aussi imaginer la vie de personnes plus modestes puisque les Carlier ne se sont pas contentés de bâtir des hôtels particuliers ou des demeures de prestiges. Les femmes se pressant dans les grands magasins ou dans des halles lumineuses tout comme les hommes attablés aux terrasses des cafés ou debout devant des comptoirs de banque leur doivent aussi beaucoup.­­­


 
 

Des châteaux, des hôtels particuliers mais aussi des écoles, des mairies, des banques...

Né à saint Etienne en 1839, Léopold Carlier reprend l'activité d'un de ses confrères montpelliérains, Louis Corvetto, en 1870. Sa production est impressionnante et les places et lieux emblématiques de Montpellier, Béziers, Sète, Narbonne témoignent de cette activité exceptionnelle. Grace à son large réseau de connaissances et à son implication dans la vie publique et politique, il s'est constitué une clientèle fortunée qui lui confie des réalisations importantes telles que des châteaux (La Cerisaie à Montpellier, Mus à Murviel les Béziers), des hôtels particuliers (l'hôtel Bühler à Béziers) ou des villas de prestige (la Villa Guy à Béziers ou la villa Pams à Perpignan). Dans l'espace public il réalise aussi des lieux commerciaux tels que les Nouvelles Galeries à Montpellier ou les Halles de Béziers et de Narbonne ainsi que des établissements publics comme le collège Victor Hugo à Narbonne, les mairies de Thézan-les-Béziers et de Cazouls-les-Béziers dont les façades rappellent d'ailleurs étrangement celle du théâtre de Béziers. Louis prendra la suite de son père en 1929. Il reste à l'écart des bouleversements architecturaux de son époque qui donnent naissance à l'Art Nouveau  et développe un style varié basculant d'une architecture régionaliste pour sa clientèle privée à un style plus moderniste pour les immeubles ou les bâtiments publics. On lui doit de nombreux immeubles à Montpellier, plusieurs banques telles que le Crédit Lyonnais sur la Place de la Comédie à Montpellier ou la Société Générale sur les Allées Paul Riquet à Béziers, et quelques édifices religieux, l'église Saint Joseph à Sète ou l'église Saint Pierre à Palavas les Flots. René, dernier de la dynastie, utilisera le nouveau vocabulaire architectural qui évolue avec les matériaux modernes et plus particulièrement le béton. Il se consacrera essentiellement à la construction d'immeubles qui gagnent en hauteur et dont les façades se simplifient. Montpellier est son terrain de d'action privilégié. Il interviendra aussi beaucoup sur les stations balnéaires naissantes Palavas et Carnon où il bâtit de nombreuses villas privées.


    

 

Aujourd'hui où l'architecture et l'urbanisme sont au cœur de la réflexion sur la vie citadine, il est bon d'avoir une pensée pour les Carlier, ces bâtisseurs qui furent aussi des novateurs.