Que retenir du Panama ? Eh bien, d’abord, que ce n’est pas un scandale mais une révélation de plus, qui, il me semble, n’a pas étonné grand monde. L’évasion fiscale de nos élites, et le fait qu’ils ne croient en rien d’autre qu’en la possibilité d’une réélection, cela ne choque personne. Ensuite, cela confirme ce que nous savions déjà à propos de la puissance et du cynisme des Etats-Unis qui voudraient nous faire croire que la presse du monde entier a agi dans le plus grand secret, sans leurs concours et sans le concours d’aucun état, pour sortir ce scoop où ne figure… aucune personnalité américaine ! Il est évident que cette histoire de petits papiers a été préméditée puis orchestrée directement par Washington. Même si les preuves manquent, personne n’a osé remettre cette hypothèse en question.

 

Tous les gêneurs y sont passés. En France, ce fut le cas du Front National et des Balkany. Il y avait eu Cahuzac au parti Socialiste, il fallait un cadre des Républicains et un nom au Front National. Ce fut aussi le cas de la Société Générale, mais c’est sûrement la faute de Jérôme Kerviel, aucun doute, il a fait ça tout seul, sans personne, personne n’était au courant, c’est lui, uniquement lui… On connaît la chanson !

 

Tous les ennemis d’Obama y sont, quant à eux, passés. A commencer par David Cameron en Angleterre. Obama l’a promis à Hillary : « T’inquiète, vieille branche, je vais passer un coup de balais avant de te filer les clefs. »  En Ukraine, pour des raisons qui ne peuvent pas ne pas être liées aux hydrocarbures (qu’est-ce qui n’y est pas lié, d’ailleurs, en géopolitique ?), Petro Porochenko a lui aussi vu son nom apparaître dans les petits papiers. En Russie, tous les amis de Vladimir Poutine ont été cités. Et puis, il y a eu la Fifa, tant pis pour eux, la prochaine fois il faudra se débrouiller pour que l’équipe de foot des Etats-Unis soit championne du monde.

 

Tout cela, c’est de la non-information, un scandale normal. Nous savons que l’argent fuit, parce que nous savons que ceux qui ont beaucoup d’argent se fichent des systèmes de solidarité et du service public dont ils ne se privent évidemment pas de profiter pour autant. L’égoïsme, maintenant, est fondé, ou tout du moins décomplexé. « Je l’ai mérité mon argent » disent-ils. Toutes les voies qui autrefois menaient à l’héroïsme — le travail, l’art, les découvertes scientifiques , le sport, la politique… — n’ont plus qu’un seul but : la richesse. Le cynisme est la première valeur à avoir rassemblé le monde entier. De petites îles, aux eaux turquoises, mystères géologiques, hasardeuses sédimentations, ont accueilli à bras ouvert les Robinsons volontaires qui ne se doutaient pas que ces îles, ces plages, ces cocotiers avaient un propriétaire, toujours le même, et qu’un jour ou l’autre il exigerait, lui aussi, parce que c’est comme ça que ça marche, ce n’est pas eux qui vont dire le contraire, d’être payé.

 

Guillaume Sire