En fait, l'histoire du Théâtre dans les vignes, c'est l'histoire d'un couple. Elle, Michèle, metteur en scène, a fondé la compagnie Juin 88 à leur arrivée dans l'Aude en 1988, compagnie à la tête de laquelle elle a créé une vingtaine de spectacles à Carcassonne, Sète, Montpellier, Narbonne, Alès... Lui, Pierre, scénographe, a travaillé dans un nombre incalculable de théâtres avec des metteurs en scène qu'on ne compte plus, celui qui l'a peut être le plus marqué fut Jacques Nichet avec qui il travaillât de nombreuses fois réalisant notamment le décor de La Tragédie du roi Christophe d'Aimé Césaire créée l'été 1996 dans la Cour d'honneur du Palais des Papes d'Avignon. C'est à la fin des années 2000 que se précise l'idée de transformer cet ancien chai dont une partie servait de hangar à tracteurs en théâtre. Idée totalement folle pour le commun des mortels mais par pour Pierre Heydorff. Le propriétaire du chai, son voisin, lui propose un jour de louer le bâtiment et, comme en rêve, lui dit que ça pourrait faire un joli théâtre. Pas besoin d'en dire plus, un bail emphytéotique, un loyer symbolique de 1 Euro par mois et l'aventure pouvait démarrer. Le projet semble simple. Comme il l'explique lui-même "avec Michèle, on a conçu ce lieu comme notre maison. On a voulu que les gens se sentent accueillis, un peu comme si ce théâtre avait toujours existé.". Il a fallu casser les cuves en béton, ouvrir le plafond, créer des passerelles, un grill technique, installer un système de perches contrebalancées "à l'allemande", poser une scène en pente de 3% pour le confort visuel des 147 spectateurs, matérialiser une autre pente pour les gradins qui accueillent les beaux fauteuils rouges, mettre aux normes, etc... etc... Tout ça c'est pour le théâtre mais Pierre, en vrai professionnel, sait bien qu'un théâtre digne de ce nom, se doit d'avoir un espace de rencontre et de convivialité pour l'avant et l'après spectacle. Ce sera la Cantine dont la chaleur n'a d'égale que le charme installée dans le bâtiment adjacent au théâtre. L'aide du fils de Pierre, architecte, et de quelques amis pour donner un coup de main ne furent pas superflues et un an et demi après le début des travaux, en novembre 2010, le Théâtre dans les vignes de Cornèze était inauguré. Pari fou mais pari tenu. En moins de deux ans et pour 300 000 Euros, un théâtre aux normes professionnelles est né. Dans un cadre institutionnel normal, il aurait probablement fallu trois fois plus de temps et dix fois plus d'argent pour arriver à un tel résultat.








Une programmation généreuse, exigeante et ouverte

Maintenant que le théâtre est ouvert, il faut le faire vivre et c'est là que Michèle entre en scène. Comme elle le dit "C'est l'aboutissement d'un grand rêve et d'un parcours professionnel. Ce théâtre nous le mettons a disposition de ce territoire. Ce sera un lieu de fabrique. Un lieu pour les artistes, pour qu'ils puissent créer dans un outil professionnel." Elle est comme ça Michèle, portée par la générosité et l'enthousiasme. Visage à la Ariane Mnouchkine, on sent bien le bonheur qu'elle a à accueillir ses amis artistes comme les spectateurs auxquels elle propose une belle programmation à son image, exigeante et ouverte. Elle collabore avec Sortie Ouest et la Scène Nationale de Narbonne qui délocalisent des spectacles au Théâtre dans les vignes. Et avec un budget modeste de 160 000 Euros, dont seulement 30 000 sont pris en charge par les collectivités publiques, elle fait des miracles et propose à son public une vingtaine de spectacles ou d'évènements dans la saison. Prochainement seront accueillis La Princesse de Clèves, formidablement mise en scène et jouée par Marcel Bozonnet, ancien sociétaire et administrateur général de la Comédie Française le 1er avril puis Une vie bouleversée mis en scène par Jean Claude Fall, ancien directeur du Centre dramatique National de Montpellier. Autant dire que la programmation est de haut niveau et que le fait d'être "dans les vignes" n'empêche pas d'avoir une belle ambition artistique.