L'Hérault de l'Economie et des affaires L'Aude Corbières Minervois |
Par SPRA — Dernière modification 29/09/2017 10:52:58
Vous en avez sans doute entendu parler : Bruno Le Maire veut que « les GAFA » payent enfin les impôts qu’ils doivent en Union européenne en créant une taxe spécifique. Les GAFA — comprenez : Google, Apple, Facebook et Amazon, auxquels on voit souvent s’ajouter le « M » (GAFAM) de Microsoft — pourtant ne sont pas des entreprises identiques, et nous devrions commencer à nous défaire de cette appellation pour régler le problème. En effet, cet acronyme et son succès contribuent à mettre ces entreprises aux activités finalement très différentes dans un même sac et, sous couvert de raccourci, ajoute il me semble du brouillard au brouillard.
Google et Facebook sont des plateformes au sein desquelles les revenus peuvent être générés automatiquement, même si demain l’ensemble des employés s’arrêtaient de travailler. Leur particularité est de mettre à la disposition des internautes des services gratuits, puis de proposer aux annonceurs publicitaires d’accéder à ces internautes en paramétrant eux-mêmes un service de distribution automatisée de publicité (display). Les annonceurs entrent le texte et intègrent les visuels de leurs campagnes après quoi les logiciels de Google et Facebook s’occupent de trouver automatiquement un lieu pertinent où promouvoir leurs produits. Pour les taxer à hauteur de ce qu’ils doivent, il semble qu’il n’y ait guère qu’une solution — laquelle est relativement simple — prônée depuis le fameux rapport publié en 2011 (et oublié depuis) par Pierre Collin et Nicolas Colin à propos de la fiscalité numérique. L’idée est de diviser le chiffre d’affaires mondial de Facebook par le nombre d’utilisateurs de la plateforme dans le monde, puis de multiplier ce chiffre par le nombre d’utilisateurs du service localisés en France et de considérer que le résultat ainsi obtenu est le chiffre d’affaires réalisé par Facebook en France. On peut faire pareil sinon en remplaçant le nombre d’utilisateurs par le nombre de clics sur des publicités, puisque seuls ces derniers sont rémunérateurs. Cela paraît simple. Et cela est simple. Pour mettre en place cette solution, cependant, il faudra des dirigeants courageux. De la bonne volonté législative. Et des menaces de sanction réellement dissuasives.
Amazon quant à elle est une entreprise de e-commerce, ainsi qu’une plateforme de mise en relation entre une offre et une demande. Elle prend avec le droit du travail des libertés à la limite des droits de l’homme et pratique une politique agressive d’optimisation : entreprise mère en Irlande, entreprise fille au Pays-Bas ou au Luxembourg, puis entreprise petite fille elle aussi en Irlande… Cette fois-ci, il n’y a pas d’autre solution pour la taxer que d’arrêter de nous concurrencer entre pays dans le but d’attirer des entreprises multinationales. Cela n’a rien à voir avec le fait qu’Amazon soit une entreprise numérique. Tous les groupes de grande distribution sont concernés. C’est pourquoi l’appellation GAFA ici est trompeuse. De même, Apple et Microsoft sont avant toute chose des vendeurs de matériel, de logiciel et de contenus numérisés, ce qui les place dans une troisième catégorie qui fiscalement n’a pas grand-chose à voir avec celle de Google et Facebook, d’une part, et avec celle d’Amazon, d’autre part. Là encore, il s’agit de trouver une fiscalité appropriée pour cette catégorie en particulier. Toutes les entreprises ont beau profiter de cet aller-retour entre l’Irlande et les Pays-Bas (nommé « sandwich hollandais »), ce n’est pas pour cette raison que la solution sera la même pour chacun de leurs cas.
Je ne crois pas au projet d’une même taxe pour toutes ces entreprises. Et il me semble que ce projet illustre à merveille le vrai problème ici, à savoir que les autorités, les députés, les juges, etc., n’ont pas encore compris que « le numérique », cela n’existe pas. Il n’y a pas de « cyberespace ». Les technologies numériques se sont tout simplement ajoutées aux technologies existantes, et ont infusé dans l’ensemble de l’espace social leur préexistant. Il n’y a pas eu de révolution. Nous n’avons pas créé un autre monde. Et les GAFA ne sont pas des espèces de martiens avec qui nous devons apprendre à composer. Ce sont des entreprises. Point. Taxons-les.