LA GUERRE EN PAIX

Par SPRA — Dernière modification 03/03/2017 14:18:28

La guerre se porte bien, et nous en profitons. Nous vendons des armes qui ne sont ni pour les canards ni pour les cerfs. Nous vendons des missiles qui ne sont pas pour endiguer le réchauffement climatique. Nous vendons des balles qui ont la taille parfaite pour le crâne des enfants. Nous vendons des avions de chasse qui ne protègeront pas les droits de l’homme dont nous sommes pourtant si fiers. Nous vendons des mines antipersonnelles qui ne sont pas voltairiennes et qui font tous les jours des meurtres aussi sanglants et injustes que les meurtres de Charlie Hebdo et du Bataclan. 
 
 

Bernanos dans La France contre les robots, puis René Girard dans Achever Clausewitz ont expliqué pourquoi selon la paix, quand elle préparait la guerre, c’était déjà la guerre. Et plus cette paix serait pacifique et longue, et plus la guerre qui s’en suivrait serait violente et radicale. Nous y voilà, dans cette guerre en forme de paix dont nous sommes les artisans. Nous fabriquons de quoi faire sauter la planète que nous disons chérir, et aucun de nos candidats à l’élection suprême n’en parle. Il semblerait que sur ce point ils soient tous d’accord, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Même Macron, dont la position n’est claire à aucun sujet, semble ici avoir tranché. La sécurité sociale a un prix, et ce prix selon nos dirigeants ou ceux qui aspirent à le devenir doit être payé par l’insécurité du monde entier.

Les ventes d’armes ne se sont jamais aussi bien portées depuis la fin de la guerre froide. Selon une étude que vient de publier l'Institut International de recherche sur la Paix de Stockholm, elles ont augmenté de 8,5% sur les cinq dernières années par rapport aux cinq précédentes.

57 pays dans le monde sont des fournisseurs de mort dont le superchampion est, évidemment, le roi incontesté de la démocratie, le pays aux cinquante étoiles et aux mille guerres, celui où tout est possible, où les films ont toujours une jolie fin, où des fous rentrent chaque semaine dans des écoles pour tirer sur leurs camarades de classe et où la chaise électrique est devenue une espèce d’attraction touristique. Les Etats-Unis totalisent à eux seuls le tiers des ventes d’armes dans le monde, et ce n’est pas la faute de Trump. Il n’était pas encore là !

Avions de combats, missiles de croisière, munitions de précision, systèmes anti-missiles, les Etats-Unis fournissent une centaine de pays dans le monde, parmi lesquels le Moyen-Orient est évidemment le premier marché, principalement l'Arabie Saoudite ces 10 dernières années. Les pays qui financent Daesh achètent des armes à l’ennemi de Daesh, qui lui-même fomente des guerres au nom de la paix, en prétextant qu’il y a dans certains de ces pays des armes de destruction massive qu’il ne leur aurait pas vendues. 

 

La Russie totalise 23% des parts de marché grâce aux contrats remportés ces dix dernières années en Inde, au Vietnam, en Chine et en Algérie. Dans les cinq années à venir, elle devrait fournir de quoi s’éclater à l’Egypte et à l’Iran. Et la Chine quant à elle est le troisième vendeur mondial. Elle privilégie l’Afrique noire, question d’opportunité. Et puis, juste derrière, on trouve la France, le pays des droits de l’homme et du citoyen, et l’Allemagne, le pays qui sait mieux que tous les autres ce qu’on peut faire avec un million de fusil et une centaine de tanks en état de marche.

 

Je ne suis pas fier de mon pays, où cette question de la fourniture d’armes n’est pas une question assez intéressante pour être évoquée dans les débats de l’élection présidentielle. Je ne suis pas fier de mon pays dont les politiques publiques puisent le sang des pauvres et des enfants du monde entier, en privilégiant les anciennes colonies et les dictatures sunnites, à qui, pourquoi pas, on donnera bientôt des cartes de fidélité. Qui, vraiment, veut la paix ?